A quoi ressemblait votre vie d’avant ?
Pendant 25 ans j’ai travaillé dans l’économie sociale, dans l’insertion et la formation. J’ai participé à la création du réseau Cap Emploi, et j’ai « fini » directeur d’une entreprise de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire, ndlr) d’une cinquantaine de salariés dont l’objet était d’aider à l’insertion sociale et professionnelle. Un métier à forte valeur ajoutée sociétale, mais dont la partie innovante et créative a été radicalement canalisée par les politiques publiques qui organisent la pensée et les interventions en typologie de public (jeunes des quartiers, femmes isolées, seniors, etc), en zone géographique ou en code métier.
Sans parler d’une concurrence économique à outrance qui tend à produire le moins disant plutôt que le mieux disant, et qui rend précaires ceux-là même qui luttent contre la précarité.
Quel a été l’élément déclencheur ?
L’élément déclencheur a été la liquidation de cette entreprise et mon licenciement économique. Ou plutôt le temps qui passe à partir de ce moment. Je me suis engagé plutôt confiant dans la recherche d’un nouveau boulot. 20 ans d’expérience, un bon réseau, et l’envie de renouvellement après une période difficile. La confiance en soi !
Et puis rien… Les entretiens s’enchaînent sans résultat. Et au fil des mois la perception d’une quête peut-être inutile et d’un mur invisible : à chaque fois que j’étais en short list, à compétences équivalentes c’est une personne déjà en emploi qui décrochait le poste. Et il y a aussi les conseils avisés et contradictoires, le réseau qui s’étiole, les proches qui demandent ce qu’ils peuvent faire pour aider. Heureusement eux ne m’ont jamais lâché.
Il faut malgré tout trouver une sortie par le haut. On ne peut pas baisser les bras, parce que le trou dans l’eau se refermera très vite et on disparaît du radar social sans bruit.
Alors la pensée créatrice reprend ses droits. Expérience professionnelle + expérience vécue + analyse disruptive de la situation = mettre le doigt sur la question dérangeante que pose aujourd’hui « Nous Sommes Tous Des Légumes Moches ! ». Comment se fait-il que personne ne parle de la discrimination liée au chômage ? Pratiquement aucune étude. Pas de reconnaissance légale. Un déni collectif qui s’apparente à la « violence mimétique » que décrit René Girard. L’impact concret en période de crise économique, c’est de maintenir les chômeurs plus longtemps en inactivité et de créer de l’inutilité qui se transforme en trappe à exclusion. C’est ça, le chômage de longue durée. Et ce n’est pas la faute aux chômeurs qui ne savent pas se vendre, se former, rester actifs et désirables ! Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose à inventer avec ce constat ?
Pour comparer, un chômeur qui se présente à un emploi et qu’on suspecte par principe d’être au moins un peu responsable de sa situation, c’est aussi inacceptable qu’une femme qui se présente dans un commissariat pour déposer une plainte pour agression sexuelle ou violence conjugale et à qui on fait comprendre qu’elle l’a surement un peu cherché. Mais sur cette question-là, il me semble que la société a beaucoup évolué. Ça donne de l’espoir !
Le paradoxe est que j’ai travaillé sur le sujet, ou plus exactement à côté du sujet pendant tellement d’années, et que j’ai conseillé des centaines de demandeurs d’emploi en leur demandant de fermer les yeux et de se plier sans rechigner à ce rapport de force.
En Mars 2015, j’ai donc écrit la première chronique « Nous Sommes Tous Des Légumes Moches ! », que j’ai diffusée autour de moi et mise en ligne sur Facebook et Twitter @MerlinVoiforte.
Effet immédiat : bon sang, mais c’est bien sûr ! D’où la deuxième puis la troisième chronique bimensuelle pour creuser le sujet et élargir l’audience. C’est en calculant l’impact économique possible du programme (2,75 milliards d’économie de fonds publics par an) que j’ai réalisé qu’il fallait continuer. Jusqu’à présent ni la méthode ni le calcul n’ont été démentis par les économistes à qui je les ai soumis.
Et maintenant ?
La quatrième chronique a été écrite à la demande de Positive Planet pour le Forum Positive Economy en septembre 2015. L’idée de créer une entreprise sociale est arrivée à ce moment là, pour trouver l’organisation et les ressources afin de diffuser le message et de faire changer les a-priori, et pourquoi pas le dispositif légal (Une 21 ème discrimination ?).
Je suis maintenant sollicité pour présenter le concept dans des forums ou des séminaires RH/RSE orientés changement / économie positive. De plus en plus de web médias, de journalistes, et de milieux socio-économiques suivent et relayent mes propos. Mais les milieux politiques restent étrangement sourds…
Evidemment il s’agit aussi de créer mon propre emploi, et pourquoi pas quelques autres.
« Nous Sommes Tous Des Légumes Moches ! » veut travailler à la fois sur la réflexion et sur la pratique.
Il faut étudier pour comprendre, nommer et faire avancer l’intelligence collective. Nous aurons donc pour vocation d’interpeller les pouvoir publics et de solliciter les milieux économiques, les sociologues, les économistes et les médias pour provoquer réflexions et propositions.
« Nous Sommes Tous Des Légumes Moches ! » proposera aussi des outils aux entreprises, aux collectivités et aux professionnels de l’emploi pour analyser les pratiques de recrutement et les faire évoluer dans le sens de moins de discrimination face aux chômeurs. C’est véritablement un axe de RSE, au croisement de l’économie circulaire de l’emploi. Nous inventons un circuit court de l’emploi et de la compétence qui considère que le capital humain est une ressource aussi essentielle à protéger et à valoriser que l’eau, l’énergie ou les matières premières. Très COP 21 !
Nous voulons aussi créer un Indicateur Légumes Moches qui rendra visibles les réalisations des parties prenantes vis-à-vis de la collectivité. Chaque entreprise adhérente pourra y inscrire chaque embauche d’un chômeur, et calculera les économies ainsi réalisées pour le compte de la collectivité (15000 € à 20000 € par embauche) qui peuvent être réinvestis dans une économie positive et solidaire. La somme des embauches et des économies montrera ainsi combien il est utile socialement et économiquement de travailler à une société moins inégalitaire et moins discriminante.
C’est pour amorcer ce modèle économique d’entreprise solidaire et responsable que nous sommes candidats à l’appel à projet La Fabrique AVIVA. Si nous gagnons les 50 000 €, nous pourrons lancer la communication à grande échelle, faire valider nos hypothèses théoriques, et expérimenter nos outils d’interventions. Nous avons besoin de tous les votes
Revue de presse web
http://positive-post.com/contributeur/chomage-nous-sommes-tous-des-legumes-moches/
http://alternatives-economiques.fr/blogs/abherve/2016/01/07/un-chomeur-forme-reste-un-legume-moche/
http://www.terristoires.info/economie/emploi-une-nouvelle-etape-de-mobilisation-pour-les-legumes-moches-2042.html
Vote pour « Nous Sommes Tous Des Légumes Moches » sur : https://lafabrique-france.aviva.com/voting/projet/vue/662
Racontez-nous ; on vous lit et on publie
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